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des petits bouts de fil
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des petits bouts de fil
10 novembre 2009

Il y a 20 ans

Maryline, sur son blog, fait un article sur la chute du mur de Berlin et pose cette question : que faisiez vous il y a 20 ans ?
Cela m'a donné l'envie de me souvenir.


Il y a 20 ans, l'année avait été bien difficile. Un mois plus tard, nous allions déposer le bilan. Avec mon mari de l'époque, nous tenions une librairie papeterie dans une petite ville de Normandie. Un monstre de centre commercial venait d'ouvrir à 10mn en voiture. Une catastrophe. Tous les gens se précipitaient voir l'hypermarché, le premier aussi grand de la région. Les petites villes autour étaient bien calmes... et les chiffres d'affaires avaient fait de terribles plongeons. Prévoyant la suite des évènements, j'avais trouvé un travail : je donnais des cours en vacation à la chambre de commerce. Cela me donnait beaucoup de travail. J'avais des niveaux disparates et le travail de préparation était énorme. En plus, je secondais mon mari au magasin et essayais de consacrer du temps à mes deux bouts de chou. Je n'ai pas beaucoup dormi pendant cette période-là !!

Le 9 a été une journée comme les autres. Je n'en ai aucun souvenir particulier.
Mais je me souviens bien du 10.

J'étais à la chambre de commerce. A la pause, j'ai jeté un coup d'oeil aux journaux.
J'ai lu ce gros titre : "le mur est tombé".
J'en suis restée assise, sous le choc.

Je ne suis jamais allée à Berlin, mais j'ai vécu en Allemagne de l'Ouest et j'ai travaillé à Hanovre. Ce n'était pas loin de la frontière entre les deux Allemagne,  horrible bande de no-mans-land bordé de barbelés et de miradors. Mes promenades dans la région m'y avaient conduite plusieurs fois, c'était si près. Parmi mes collègues, beaucoup avaient de la famille "de l'autre côté". Pour les Berlinois, c'était pire. Les cousins n'existaient plus que par les lettres, souvent ouvertes et arrivant en mauvais état. J'avais eu une correspondante en DDR. Nos courriers étaient souvent ouverts. Les paquets, n'en parlons même pas ! Ils arrivaient dans un de ces états !
Bref, la séparation entre les deux Allemagne, je connaissais bien.
Et là, sur une table de la salle des profs, je voyais des photos de retrouvailles, je voyais un morceau de ce mur de honte par terre. Je me souviens, j'ai fermé les yeux pour refouler l'envie de pleurer de soulagement. J'ai pensé à mes collègues, j'ai pensé à Bärbel, ma correspondante depuis longtemps perdue de vue. J'ai pensé aussi à cette famille qui m'avait hébergé quelques jours, une famille d'immigrés russes qui louait une chambre, et avec qui j'avais beaucoup discuté. Je pensais à tous ces gens qui avaient pendant des années entendu des sornettes sur l'Ouest. La chute du mur témoignait d'un ras le bol de la population et non d'une évolution du régime préparée par les politicards. Les gens ordinaires, ceux à qui on ne demande jamais leur avis en avaient eu assez. Les policiers avaient laissé faire, sachant qu'ils risquaient de payer cher leur complicité, mais malgré tout avaient à leur façon manifesté leur rejet de cette bande de béton qui avait défiguré la ville trop longtemps.

Le peuple se prenait en main.
Bien sûr, il y avait eu Prague et ses marguerites quelques 20 ans plus tôt. Bien sûr, si le régime réagissait, la répression serait importante. Bien sûr, c'était risqué car la population était logiquement bien endoctrinée.
Mais voilà, la population ne voulait plus vivre dans une ville partagée.
Pour moi, cela voulait dire que la liberté était en marche. L'Ouest n'avait à proposer qu'un système capitaliste qui n'était pas vraiment à mon goût non plus, mais où au moins on avait la liberté de penser. Cela a créé chez moi un énorme espoir. Mon magasin se cassait la figure, nous allions devoir trimer pour nous en sortir, mais la liberté reprenait sa place. Mes enfants vivraient dans un monde libre, sans lettres et paquets ouverts, sans cette censure insupportable.

Je suis retournée en cours un peu sonnée. Mes cours ont dû être d'une bizarre qualité... mais bon. J'ai dit en quelques mots ce qui m'avait touché dans l'actualité, sans faire de politique, juste en disant que j'avais vécu en Allemagne et partageais ce que ressentais les gens du pays. Les élèves ont compris qu'il se passait quelque chose, mais la majorité ne s'y est pas intéressé : c'était si loin de leur univers.
Je ne me souviens de rien de plus de cette journée. Nous avons dû en parler à la maison, philosopher sur la signification de l'évènement, mais je ne me rappelle plus.

Quelques années plus tard, les deux Allemagne n'en ont plus fait qu'une, le bloc Est s'est fissuré et de nouvelles républiques sont nées. Mais pour moi, le premier pas a été fait par ces gens qui, un soir, en ont eu assez qu'on leur dicte leur vie.

à bientôt

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Commentaires
B
il faudrait que je reprennes mes carnets, je n'ai aucun souvenirs!!!!! bizarre d'ailleurs, maintenant que j'y pense........je te dirai ça quand j'aurai trouvé!!!!!<br /> <br /> pour mimie, je comprends très bien car je suis aussi la petite fille de ces juifs qui ont été massacrés. Les survivants n'ont pas voulu que nous soyons juifs et nous avons été baptisés et élevés dans une autre religion, mais il reste des choses, enfouies profondément....j'ai découvert les allemands très tardivement, il y à 15 ans, je peux te dire que la 1 er fois que j'ai renconré le mari de mon amie, il était ému, il m'a dit que les jeunes allemands n'avaient pas su leur histoire avant les années 6O, que les anciens ne voulaient pas parler et que quand, enfin, ils ont su, ça a été un véritable cataclysme pour eux...ceci dit, dans les familles allemandes, ceux qui ont plus de soixante ans ne sont pas guéris, ils sont encore un peu nazis sur les bords.....ils ne détestent pas les juifs, ils ne comprennent pas, alors que les russes et les polonais sont profondéments anti sémistes et qu'ils le disent, c'est une vraie haine effectivement!!! je pense souvent à la chanson de Barbara, " gotingen" moi aussi, il y a des gens que j'aime là-bas.......
C
Patricia, nous avons le même âge (et Michèle aussi, je ne pense pas trahir là un secret d'Etat). Moi aussi, la mise aux enchères de morceaux de mur m'a choquée. Autant comme je peux comprendre les Berlinois qui en ont gardé un morceau, autant comme je désapprouve qu'on puisse faire du fric avec la misère.
C
Armelle et Elena, votre point de vue est obligatoirement différent : en troisième, sauf exception, le vaste monde n'est pas au centre des préoccupations. On se rend compte des années plus tard qu'on a été témoin d'un moment d'Histoire (avec une majuscule). Je vous raconterai un jour mon mai 68, qui est complètement décalé.
C
Michèle, je comprends ton point de vue, même si je ne le partage pas. Peux-t-on en vouloir à un peuple de la folie de ses dirigeants ? Une partie des Allemands a souffert de persécution. Et l'Allemagne de l'est est passée de l'idéologie d'Hitler à celle de Staline.. pas top non plus. En écrivant cela, je pense aux anonyme, pas aux nazis. Là, c'est autre chose. Ils ont choisi, ils assument.
C
Il y a 20 ans j'ai suivi ça de très prés à la télévision, scotchée à mon écran ça paraissait incroyable, j'ai vu des gens qui allaient "de l'autre côté" regarder les vitrines des commerces comme des enfants devant tant d'abondance, cela leur paraissait tellement irréel.<br /> Comment ne pas se souvenir, ce qui me dérange, c'est par la suite, la mise aux enchères de morceaux de ce mur de la honte. Comment peut on miser si cher sur la misère qu'on vécu des milliers de personnes privées de l'essentiel et surtout d'une partie de leur famille.<br /> Et comment ne pas penser à ces centaines de morts pour avoir voulu une vie meilleure.<br /> Bonne soirée bises Patricia
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